C'est à l’initiative de Serge Gainsbourg que cette photo s’est faite. Alors que je retrouvais mon agent au bar d’un club du tout Paris des années 80, Serge, qui savait que je collaborais pour le journal Paris Match, l’ayant photographié et fait passer en pleine page trois mois avant en compagnie de Mstislav Rostropovitch, nous interpella: “Hé les gars! qu’est ce qu’il faut que je fasse pour passer dans votre canard ?”. Je répondis en lui proposant l’éternel et incontournable reportage : "en famille, à la maison, avec Jane et les enfants". Serge me répliqua: "non, sans Jane, sans les enfants". Ce à quoi je lui fais remarquer: "Seul tu passes pas ou alors il faut trouver une idée béton". Après avoir énuméré quelques âneries du style "j’épouse telle princesse…", on en vint à la baignoire... Serge réfléchit, amusé, puis dit: "D'accord, à 15 heures demain à la maison" et ajouta "comme ça on arrêtera de dire que je suis dégueulasse."
Le lendemain nous arrivâmes rue de Verneuil bien à l’heure. Serge ouvrit et immédiatement me montra la salle de bain. Je préparais la lumière puis fit couler le bain, mis le produit pour avoir une mousse bien généreuse. Une fois terminé, je sortis, il se mit dans la baignoire et m'appela. Je rentrais. Nos regards se croisèrent. On ne pu s’empêcher de rire. Il était à l’aise et la séance l'amusa beaucoup. Après, nous fîmes d’autres photos pour compléter le reportage. Puis il m’invita à boire un verre au salon situé sous la salle de bain. Alors que nous plaisantions, on entendit le bruit caractéristique de l'eau qui tombe "floc floc"... Serge leva la tête et voyant des grosses gouttes d’eau perler du plafond s’écria "Merde ! La fuite de la baignoire n'a toujours pas été réparée, ça fait pourtant un mois que j’ai appelé le plombier."
Alors qu'à l’époque ce reportage était pratiquement passé inaperçu, je crois que de toutes les photos que j’ai faites, c’est l’une de celle dont on me parle le plus.
Making of
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"La toilette de Serge Gainsbourg", rue de Verneuil, septembre 1980, Paris
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Greta Garbo, Klosters 1980
J'avais appris à la suite d'une conversation entre deux mondaines dans un de ces dîners parisien ou parait-il, il faut être, que Greta Garbo était dans un palace en Suisse à Kloster.
Pour le coup j'avais pour une fois trouvé un intérêt à ma sortie et tout naturellement, le lendemain j'étais parti dans ma volkswagen à sa rencontre. Je me souviens que ma seule préoccupation était : vais-je la reconnaître? Avant de partir, j'étais allé regarder à la documentation de Match les dernières photos d'elle connues, on ne la voyait pas bien, elle marchait dans New York mais au moins j'avais une idée et sa silhouette.
Le soir arrivé, j'étais allé à son hôtel repérer, il y avait plusieurs sorties, je me souviens d'avoir alors demandé au portier qui avait un air sympathique si c'était vrai que Gréta Garbo séjournait ici. Il me répondit "oui bien sûr elle vient chaque année", "et que fait-elle de ses journées ?", "des grandes promenades avec son amie Cécile de Rothschild, d'ailleurs comme un rituel elles partent de l'hôtel à 15 heures et reviennent à 18 heures". Il avait méme ajouté : "elles sortent toujours par cette porte" étant seul cette information était pour moi capital.
Le lendemain à 14 heures je m'étais installé devant la sortie, comme me l'avait confié le portier à 15 heures je vis sortir deux femmes dont l'une pouvait effectivement être Garbo.
Je les ai laissées s'éloigner de l'hôtel une bonne demie heure sans même sortir un appareil de mon sac, j'avais trop peur d'étre repéré. Puis quand je considérais que même si elles me voyaient j'aurai le temps de faire des images, j'ai commencé à la photographier caché derrière les sapins qui bordaient le lac.
En fait je fis une dizaines de films, noir et blanc et couleurs, cela s'était passé au delà de mes espérances, je me souviens d'avoir fait cette derniére photo ou on la voit de dos sur le chemin du retour, puis je me suis dit tu n'auras rien de mieux, il était 18 heures... A minuit j'étais dans mon lit à Paris. -
Robert Mitchum, Londres, octobre 1984
C’est à Londres ou il tournait que je tentais ma chance pour le photographier. Après l’avoir interpellé le matin de très bonne heure sur le trottoir à la sortie de son hôtel, les cheveux encore humide de la douche qu’il venait de prendre, je lui demandais un rendez vous. Il me répondit: "Savez-vous combien de journalistes attendent, certains depuis plus de cinq ans ? Pourquoi vous en accorderai-je un ?" Je répondis : "Parce que je suis là, venu exprès de Paris, j'irai très vite". Il me regarda, sembla réfléchir et me dit : "Suis moi" sans plus de détail... Je suivis sa voiture à travers tout Londres, manquant de le perdre plusieurs fois. Finalement arrivé à l’entrée des studios je passais la barrière, ma voiture collée à la sienne sans même que le gardien ait le temps de la refermer. Nous arrivament sur les lieux du tournage ou une trentaine de personnes l’attendaient. Je restais à quelques mètres pour le laisser saluer l’équipe. Tous semblaient joyeux. Soudain je vis ces trentes têtes se retourner vers moi l’air inamical. Il sortit du groupe et vint vers moi le visage fermé, me lançant : "délicate situation". Je me dis, cette fois je suis viré. Mais aussitôt il me lanca: "tu peux rester". Cette photo je l'ai faite lors d'une pose entre deux prises. Il se montra en fait très coopératif. En partant je le remerciais. Il me répondit avec un petit sourire: "any time" ! -
Jodie Foster, Paris, septembre 1977
A l’époque, je n’étais pas bien vieux. Quand à Jodie, elle avait quinze ans mais était déja célébre. Elle venait de tourner Bugsy Malone et Taxi Driver. Story, un journal Belge, avait passé commande pour une interview + photos. Je l’avais donc retrouvée à Paris sur un tournage près de l’avenue Foch. En plus du reportage, Story donnait un T-shirt blanc avec l’inscription du journal. Lors des rencontres, si j’arrivais à le faire mettre, j’avais droit à un supplément financier. Jodie n’avais pas voulu le mettre. En revanche elle l’avait tenu devant elle ce qui avait quand même suffit pour avoir la fameuse prime. Le soir, mon agent l’avait invitée chez Castel, sa mère lui avait accordé une permission de minuit... -
Caroline en pauvresse, Paris, 1973
Princesse Caroline de Monaco... Ce jour là je l'avais accompagnée dans un studio d'enregistrement près de la gare d'Austerlitz. Pour passer inaperçue, la princesse s'habillait de maniére inattendue... Ce lieu délabré plus le fait qu'elle porte ce foulard, évoque plus Causette qu'une princesse ! -
Demis Roussos enlisé, Malibu, janvier 1981
Cette photo fut faite sur la plage de Malibu à Los Angeles. Pour la réaliser, la voiture devait être au bord de la mer mais le sable la bloqua. Immédiatement les surfeurs vinrent à notre secours. On eut juste le temps de la réaliser avant le coucher du soleil.... -
Claudia Cardinale et le léopard, Paris, octobre 2005
Cette photo devait se faire en lumiére du jour au 4 ème étage du studio “daylight” mais quand le guépard est arrivé impossible de le monter, sa caisse étant trop volumineuse pour tenir dans l’ascenseur. En vitesse sur un des plateaux au rez-de chaussée nous avons installé le fond et les flashs,l’animal ne devant pas rester trop longtemps dans sa cage. Contrairement à ce que j’avais imaginé,le guépard n’était pas évident à positionner et c’est avec un baton et des morceaux de viandes au bout que le dresseur à pu le placer. Je l’entendais pousser des grognements en permanence.Je n’étais,contrairement à Claudia Cardinale qui collait sa tête contre sa gueule,pas du tout rassuré. -
Iggy Pop, Paris, mars 2009
Xavier Martin : Bonjour Iggy, content de vous connaître et de faire cette séance avec vous, avez-vous amené votre chien ?
Iggy Pop : Non
XM. : Dommage, j'aurai bien aimé faire une photo avec lui.
Iggy : J'ai deux chiens et trois chats.
XM. : Hum, comment trouvez-vous Paris?
Iggy: J'aime beaucoup la France, j'ai passé la nuit avec une femme magnifique...
C'est par cet échange que nous avons commencé. Instantanément il a pris possession de l'espace sur le fond blanc du studio. Sa fantaisie et sa générosité d'artiste ont fait le reste. Nous avons fait les photos sans musique. De temps à autre je donnais quelques indications. Très rapidement j'ai senti que j'avais pleins d'images. Une énergie, une concentration, une gentillesse : photographier Iggy, pas de problème, tous les jours !